Les Trilobites
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| TRILOBITES  Les
        Trilobites forment une classe dArthropodes marins primitifs
        composant, avec quelques petits groupes surtout cambriens (les Trilobitoïdes),
        le sous-embranchement des Trilobitomorphes. Cet ensemble est caractérisé
        par la possession dantennes ou plus précisément dantennules et
        dappendices biramés comprenant un exopodite branchial attaché sur
        larticle basilaire (sympodite) de la patte locomotrice (endopodite).
        Les Trilobites sont tous fossiles: on les connaît depuis le Cambrien
        inférieur jusquau Permien supérieur (Murghabien). Ils doivent leur
        nom aux deux divisions en trois parties (davant en arrière et
        transversalement) qui affectent leur corps. Morphologie Carapace Sauf
        de rares exceptions, la carapace est seule conservée. Elle est constituée
        surtout par du carbonate de calcium très finement fibreux, avec un
        certain pourcentage de phosphate de chaux (pas plus de 30 p. 100) et de
        matière organique (chitine). Elle se divise en trois parties
        davant en arrière: le céphalon ou céphalothorax, labdomen ou
        thorax, seul articulé, et le pygidium. On note aussi trois parties dans
        le sens transversal: au milieu, le rachis de labdomen, toujours renflé,
        se prolongeant à lavant par la glabelle du céphalon et en arrière
        par un mucron ou un axe allongé dans le plan de symétrie du pygidium;
        sur les côtés, les plèvres, libres au niveau de labdomen, soudées
        dans la céphalon et le pygidium (cf. figure). À la différence de la carapace des
        autres Arthropodes et surtout de celle des Crustacés, pourtant de
        composition voisine, celle des Trilobites nenferme pas tout le corps
        mais revêt seulement sa face dorsale. Sa position est donc comparable
        à celle des tergites 
        des Crustacés. Elle est complétée sur les bords de la face inférieure
        par des replis de la carapace dorsale, les doublures, ainsi que par une
        pièce impaire suspendue à la doublure antérieure par une plaque
        rostrale, lhypostome, qui présente dailleurs des zones visuelles
        et pourrait être lhomologue du labrum des insectes, continuée
        parfois par un métastome situé en arrière de lhypostome. On peut
        considérer la plaque rostrale ou hypostome et le métastome, celui-ci
        en voie de régression, comme des sternites 
        appartenant au segment oculaire au même titre que les joues mobiles. Segmentation Comme
        les autres Arthropodes et comme les Annélides, les Trilobites sont
        segmentés et la carapace le montre bien. Les sillons visibles à la
        surface de celle-ci pourraient ne pas correspondre toujours à la vraie
        limite des segments, sauf au niveau du rachis. Le nombre de segments
        abdominaux est souvent fixe pour un genre donné, mais varie entre les
        familles et suivant les genres de chaque famille. Les segments antérieurs des
        Trilobites sont soudés pour former le céphalon. La céphalisation 
        est dautant plus poussée que le segment considéré se situe plus en
        avant. Selon le degré dévolution, des segments céphaliques, en
        nombre plus ou moins grand, perdent tous leurs caractères individuels;
        le segment occipital, tout à fait à larrière du céphalon, est très
        semblable au premier segment abdominal. Quel que soit le groupe de
        Trilobites, la glabelle est toujours nette et les sillons séparant les
        segments y restent plus longtemps visibles au cours du développement de
        lanimal. Les plèvres sont soudées en un large bouclier céphalique
        qui se prolonge souvent en avant de la glabelle par un limbe ou un champ
        préglabellaire. Cependant, à chacun de ses angles postérieurs, le céphalon
        possède une pointe plus ou moins longue, la pointe génale. En arrière,
        des segments en nombre variable se soudent pour former un bouclier
        pygidial selon un processus de telsonisation . Le bouclier pygidial et le bouclier céphalique
        séquilibrent parfois. Mais le pygidium des formes primitives demeure
        très petit. Chez beaucoup de Trilobites, il se termine par une pointe
        caudale. Appendices Les
        appendices ne possédaient pas de cuticule minéralisée. Ils nont
        donc été que rarement préservés (Olenoides  du Cambrien moyen, Calymene 
        de lOrdovicien inférieur, Ceraurus 
        de lOrdovicien moyen, Triarthrus ,
        Cryptolithus 
        et Asaphus 
        de lOrdovicien supérieur, Phacops 
        du Dévonien inférieur). Le type biramé est constant. Chaque segment
        abdominal en porte une paire, extérieurement marquée par
        linvagination du tergite correspondant aux apodèmes des muscles
        dorsiventraux au niveau du sillon dorsal séparant le rachis des plèvres.
        Dans le céphalon, des impressions semblables se rencontrent de chaque côté
        de la glabelle, dans de nombreux genres: elles correspondent aux apodèmes
        de suspension des muscles antennulaires et des quatre paires
        dappendices des segments postoraux, lesquels nont subi aucune
        transformation dans le sens de la préhension ou de la mastication. À lavant une paire dantennules
        uniramées, à larrière une paire de cerques sont également articulés. Organes
        des sens La
        partie préorale du céphalon est munie des principaux capteurs
        sensoriels. Probablement les antennules, comme celles des autres
        Arthropodes antennates, étaient-elles les organes dun sens chimique.
        Les cerques pygidiales pourraient avoir eu un rôle comparable. Les organes sensoriels les mieux
        connus sont les aires visuelles. Du côté dorsal, celles-ci sont disposées
        symétriquement par rapport à la glabelle, sur les joues libres où
        elles forment des yeux dimportance variable. Dautre part, la
        surface de lhypostome offre des taches (maculae ),
        qui paraissent aussi dans certains cas dordre oculaire. Les yeux dorsaux peuvent manquer; ils
        sont parfois de très petite taille, ou au contraire énormes. En tout
        cas, ce sont des yeux composés comme ceux des autres Arthropodes. On
        distingue des yeux holochroaux 
        composés de nombreuses lentilles jointives en «nid dabeille»
        (jusquà 15 000
        chez Remopleurides ),
        recouvertes par une pellicule cornéenne unique, et des yeux schizochroaux 
        composés de lentilles plus grandes, moins nombreuses et surtout possédant
        des cornées individuelles, placées dans des alvéoles séparés les
        uns des autres par des parois sclérotiques. Cette indépendance a
        favorisé, dans les groupes où elle se présente, la réduction des
        yeux, jusquà un seul ocelle ou même jusquà disparition de
        lorgane dans le cas des Phacopidés. Les maculae 
        de lhypostome, structures également symétriques, ont parfois des
        facettes en lentilles de type oculaire (Asaphus );
        celles qui sont lisses peuvent être considérées comme dégénérées. Au milieu de la glabelle se trouve
        aussi un tubercule particulier, probablement sensoriel, la «pustule»,
        quelquefois percé de petits trous; cest peut-être un ocelle, peut-être
        un complexe sensoriel, qui semble développé dans certains stades
        larvaires. Certains organes des Trilobites se présentent
        comme des indicateurs tactiles, les nombreuses épines par exemple, et
        aussi les «organes de Pander», encoches disposées sur les plèvres de
        divers genres ordoviciens et dévoniens. Développement Stades
        larvaires Le
        développement des Trilobites est bien connu. À partir de luf, la
        première larve à posséder une carapace minéralisée est la Protaspis ,
        composée de deux parties qui deviendront respectivement le céphalon,
        dont la glabelle est segmentée, et le pygidium. À ce stade,la partie
        dorsale de la larve ressemble assez à celle dune trochophore annélidienne,
        au stade où la zone buccale sépare le prosome (acron) du télosome
        (telson). Dans les stades plus âgés, larves Meraspis ,
        les segments abdominaux apparaissent un à un. Finalement, quand
        labdomen est complet, la larve atteint le stade de l«adolescence»:
        cest lHolaspis ,
        qui devra encore être complétée par plusieurs mues et surtout
        atteindre la taille adulte. Mues Comme
        tous les Arthropodes à carapace, les Trilobites subissaient des mues,
        et cest pourquoi la plupart des restes que lon en recueille sont
        souvent fragmentaires, car ce ne sont que des exuvies. La carapace présente donc des lignes
        de déhiscence le long desquelles lexuvie laisse passer lanimal à
        un nouveau stade dimensionnel. Dans le céphalon, ces lignes de déhiscence
        sont les sutures 
        qui constituent deux systèmes symétriques par rapport à la glabelle.
        La base de celle-ci est séparée de la partie visuelle de lil par
        la suture faciale; elle atteint le bord antérieur du limbe et passe à
        la face inférieure où elle coupe la doublure de part et dautre du
        rostre. Vers larrière, elle coupe le bord postérieur du céphalon
        en un point différent selon le groupe, point quil est possible de
        repérer par rapport à la position de la pointe génale. La surface du
        céphalon se trouve ainsi divisée en trois parties qui se séparent
        lors de la mue: la zone centrale comprenant la glabelle (cranidium ) reste soudée à deux zones fixées symétriques,
        les fixigènes 
        ou joues fixes portant les lobes oculaires mais non les yeux; les deux
        zones latérales deviennent indépendantes et forment les librigènes  ou joues libres où se trouvent les yeux. Phylogénie Styles
        dévolution Lessentiel
        de lévolution des Trilobites semble reconstituable en tenant compte
        de la disposition de la suture faciale, en particulier du point où sa
        branche postérieure coupe le bord du céphalon. Dans le type primitif,
        dit opisthoparié ,
        la branche postérieure de la suture faciale coupe le bord du céphalon
        tout à fait en arrière, cest-à-dire entre la pointe génale et la
        glabelle: ici la pointe génale appartient donc au librigène, autrement
        dit au segment oculaire. Les plus anciens Trilobites (Redlichiacés) et
        ceux qui se sont éteints  le
        plus tardivement (Proétacés) sont opisthopariés. Chez certains
        Trilobites primitifs, comme les Olenellides Kjerulfia 
        et Fallotaspis ,
        il semble que la branche antérieure de la suture soit détournée, elle
        aussi, en arrière de la pointe génale, le librigène étant réduit.
        Cest le type métaparié .
        La pointe génale appartiendrait à une grande plaque rostrale en
        croissant. Dans un certain nombre de groupes, généralement plus récents,
        la branche postérieure de la suture faciale coupe le bord du céphalon
        en avant de la pointe génale: cest le type proparié 
        (comme les Phacopidés). La pointe génale fait donc alors partie dun
        segment postérieur au segment oculaire. Comme certains Trilobites à
        des stades larvaires montrent que le céphalon porte initialement trois
        paires de pointes, il y a de grandes chances que les pointes génales de
        ladulte ne dérivent pas de la même paire selon le type de suture du
        groupe auquel il appartient. Dans lensemble, les modifications
        évolutives des Trilobites sont apparentes dans le jeune âge. Une
        partie dentre elles peuvent être rapportées à des paedomorphoses.
        Dun autre côté, des caractères larvaires peuvent être conservés
        chez ladulte (néoténie): par exemple, le céphalon dOlenelloides 
        du Cambrien inférieur a conservé les trois paires dépines
        larvaires. Tout le groupe des Miomera 
        (type Agnostus )
        compte des Trilobites de petite taille noffrant que deux segments
        abdominaux (caractère de larve Meraspis 
        jeune) avec un céphalon et un pygidium évolués. Le modèle de leurs
        appendices non biramés les situerait plutôt hors des Trilobites, auprès
        des Crustacés primitifs (?). Apparus au Cambrien inférieur, les
        Trilobites ont eu leur apogée au Cambrien supérieur-Ordovicien. Puis
        ils ont décru avec quelques regains quantitatifs, au Siluronien par
        exemple. Aucun na atteint le Trias. Affinités Les
        Trilobites comptent parmi les plus primitifs des Arthropodes. Comme
        tels, bien quils soient Antennates, ils offrent des points communs
        avec les Chélicérates primitifs comme les Aglaspides et les
        Xiphosures: une ressemblance morphologique, sans plus, existe entre les
        Trilobites et la larve des Limules (dite «trilobitique»), mais leur
        segmentation céphalique préorale séloigne des Chélicérates.
        Cependant, on peut comparer les yeux hypostomiens de la larve de Limule
        et ceux des Trilobites. La présence dune épine (pseudo-telson),
        terminale ou non, est commune aux Aglaspides-Xiphosures et aux
        Trilobites primitifs. On peut donc dire que, déjà Antennates, les
        Trilobites sont tout près de la bifurcation des Arthropodes vers les Chélicérates. Dun autre côté, les plus
        primitifs des Trilobites montrent une ressemblance indéniable avec des
        Annélides. La segmentation dun Redlichiacé (Redlichia , Olenellus , Paradoxides ) dont le pygidium ne comprend quun très
        petit nombre de segments montre une métamérie comparable à celle des
        Polychètes errantes, avec des segments macropleuraux (à plèvres plus
        grandes que les autres) répartis plus ou moins régulièrement, et, en
        arrière dune dernière «épine rachidienne» ou pseudo-telson, une
        suite de segments presque uniquement rachidiens ressemblant aux «stolons»
        de la reproduction asexuée des Annélides épitoques. Enfin, une large
        ouverture à larrière du petit pygidium de certains
        Olenello-redlichides semble avoir laissé passer un cirre correspondant
        au vrai telson dune Annélide. Cette évidente parenté entre
        Trilobites cambriens et Annélides polychètes suggère de remonter
        jusquà lÉdiacarien, où Spriggina ,
        classé parmi les Annélides parce quil na pas de carapace minéralisée,
        possède des caractères de Trilobite primitif, et où Parvancorina  offre quelque ressemblance avec un stade
        protaspis précoce (cf. règne ANIMAL  Évolution
        animale, fig. 1). Écologie La
        subdivision en Miomera 
        (deux ou trois segments thoraciques, dimensions faibles) et Polymera 
        (de plus grande taille, plus de trois segments thoraciques) se traduit
        aussi dans le mode de vie. Les Miomera ,
        légers et petits, ont été facilement transportés par les courants,
        au même titre que les larves. On les rencontre souvent en très grand
        nombre dans des sédiments à grain fin déposés assez loin du rivage.
        Les Polymera  adultes ont presque tous vécu sur le fond
        de la mer, souvent même en senfouissant plus ou moins, leurs
        antennes et leurs yeux dépassant seuls de la vase. Les traces de
        stations de repos (Rusophycus )
        ou de progression sur le sédiment meuble (Bilobites ) sont fréquentes dans le Cambrien et
        lOrdovicien. La présence dyeux développés indique une vie
        benthique, dans une zone bien éclairée, donc sans doute riche en vie végétale.
        Létude de la disposition des lentilles sur les champs oculaires a
        permis de reconstituer lattitude favorite de lanimal (Phacopacés,
        Sélénopeltacés). Ces yeux, parfois démesurés (Aeglina ),
        peut-être chez des types pélagiques, finissent par se rejoindre sur la
        ligne médiane comme ceux de certains insectes diptères. Mais on
        assiste à la disparition progressive des yeux schizochroaux des
        Phacopacés siluro-dévoniens, probablement par un retour à un épibios
        sombre relativement profond, voire à un endobios (enfouissement). La
        possession de longues épines pleurales convient à la vie sur un milieu
        mouvant comme la vase ou au contraire au transport par les courants dans
        une zone pélagique. Les Trilobites semblent dailleurs sêtre
        adaptés à des milieux peu favorables à la vie ordinaire. Ainsi, à
        lexception des types fouisseurs du Cambrien, ceux dont le céphalon
        et le pygidium sont subégaux peuvent se plier en deux (Illaenidés, Miomera ), tandis que nombre dautres senroulent
        sur eux-mêmes (Calyménidés, Phacopidés). La face ventrale, mal protégée,
        se trouvait de la sorte à labri dans les biotopes de mer agitée.
        Une autre adaptation inhabituelle est celle des Olénidés qui furent
        toujours associés à un milieu faiblement aéré, riche en hydrogène
        sulfuré (sulphuretum ),
        mais sous-jacent à de grandes algueraies flottantes, comme les schistes
        alunifères du Cambrien supérieur de Scandinavie. Lenvironnement défavorable
        a suscité une spéciation importante et surtout, dans ce milieu pauvre
        en oxygène, un considérable développement des branchies.   ___________________________________ © 1997 Encyclopædia Universalis 
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